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Escarbille

Escarbille
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11 mai 2009

Du pourquoi des choses (exégèse exagérée)

Jadis, je tenais un blog.
L'enthousiasme du début s'éteignant doucement avec les mois, l'habitude d'écrire des notes se perdant, il fut de plus en plus difficile de s'égarer dans ces parages. Parce que les mots ne viennent pas. Parce que les idées préfèrent s'évaporer.

J'avais déjà fait l'expérience de ce journal ouvert aux quatre vents. Souvenirs de rencontres, et d'un amalgame de réflexions, avec parfois ici et là une vague étincelle qui distinguait la prose. Mais non décidément, publier sur la toile (publier tout court?) ne me convient pas. Car je suis trop instable? Je suis née sans métronome interne.  Car je suis un être secret qui se replie davantage sur soi-même avec le temps ? Ce serait exagérer mon côté autiste, et me farder d'un mystère ridicule. Car je ne me reconnais pas dans ce lieu au parfum d'abandon? J'aime les ruines pourtant, mais il est vrai que je passe moins de temps sur la toile et que je préfère me livrer en un "ailleurs" et un "autre" qu'en moi-même.

L'ennui n'est pourtant pas en cause. Ce lieu avait un but, celui de rassembler des textes. Or, je n'écris plus. J'ai succombé au péché de la paresse littéraire, même mon écriture automatique s'est rouillée. J'ai préféré m'engager dans les chemins de la critique et de la correction. Le texte est désormais toujours autre, et ma plume, qu'est-elle devenue? Un scalpel? Une formalité?
J'ai oublié que je vivais, que je rêvais mille vies... Et les belles folies sont les mots des autres. Je suis une lectrice avant tout.

Et pourtant, une contingence a su réveiller les exigences de la plume et la fièvre de l'idée qu'il faut accoucher de mots. De la page finie et encore remaniée. De la lecture et de la critique des autres. De l'auto-analyse, pour oublier que c'est douloureux, pour se couper de son texte. Serait-ce là une sorte d'instinct maternel? Quelques phrases en gestation, le ciselage dans le confort d'une solitude. Et le cordon ombilical qu'on coupe et déchiquette, et l'enfant qui déchoit, inachevé peut-être et qu'on offre en patûre à l'oeil-altérité. Diantre, être auteur, c'est une malédiction de chaque instant.

Et voici que je balance, que je pèse, que je m'interroge... Pourquoi poster ce fragment de début de soirée?
Depuis quelques jours, je cherche un vain cette muse tant courtisée, le porte-bonheur parmi les orties, le fossile au milieu des graviers... cette originalité qui me fait défaut, qui reste à ma pensée insaisissable, pour donner coeur et corps à un projet.

Je la traque partout. Puisqu'elle je ne la trouve pas en moi, pourquoi ne pas la débaucher chez d'autres ? Dans mes errances, j'en capte parfois comme l'empreinte, l'écho, l'idée, cependant trop subtiles et trop éloignées de "mon" originalité (car j'ai la prétention d'être possessive). J'en fais une créature protéiforme. Je m'improvise artiste en mosaïque ou vitrail de génie. Je rassemble par brassées frénétiques tout ces petits-rien...  Mais pas un cil de mon monstre ne frémit, mes collages s'effritent, mes bouquets dessèchent.

Je vais devoir pourtant tôt ou tard m'y résoudre. Je ne suis pas une bonne chasseuse d'original. Sans doute je n'y crois même pas. Et la dame est capricieuse. Une bonne dose de foi est un appât indispensable. Au prix d'une identité.

Non, vraiment, qu'avais-je en tête? En faire ma figure de proue, ce serait choisir parmi les quêtes sans fin la chimère la plus éculée. Emprunter un sentier infiniment rebattu. M'inventer un prétexte galvaudé pour quitter la scène. Et m'en tirer sans même une pirouette ou une action absurde.

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30 juin 2008

Révolution!

L'été arrive, l'année universitaire s'achève et tout se bouscule, se recompose.

Bientôt, je quitterai l'appartement. Cinq années de souvenirs à emballer dans des cartons. Je me suis même offert le luxe d'une nostalgie il y a quelques jours.

Mais maintenant, le temps tourne et file. Il m'est compté. Entre la rédaction du mémoire qui avance -qui se traîne-, les poses qui s'achèvent bientôt, les autres projets artistiques que je caresse, mes journées et mes pensées sont avant tout concentrées sur la promotion d'une petite maison d'édition.

http://www.editions-la-madoliere.com
"On lit ce qu’on peut, on édite ce qu’on aime !"

O joie des stages! Et pourtant la rencontre avec l'éditrice fut vraiment agréable et sa vision de la littérature et de l'édition m'a ravie. Du fantastique avant tout, les oeuvres publiées tissent avec beaucoup de brio des réalités, tendres, douces amères, exangues ou brutales, sous lesquelles affleurent ou s'imposent merveilleux, onirique, fantasque. En plus, ce sont des nouvelles, ce qui ne gâte vraiment rien, bien au contraire!  Alors je lis, j'annote, je foisonne de perspectives. L'été farniente sur le bord indolent des plages bondés de monde, très peu pour moi! Il sera laborieux, mais j'adhère à cette idée becs et ongles, toutes griffes dehors.

6 juin 2008

Overdose

Voilà que je retombe dans une routine haïssable, en ne prenant plus suffisamment de recul vis à vis de moi-même. Je lis avec avidité, trop insatiablement pour tirer un quelconque plaisir de mes lectures. Jamais je n'aurais cru pouvoir éprouver ne serait-ce qu'un sentiment d'indifférence ou de lassitude...Disons-le, de dégoût? dans ma pratique de lecture.

C'est que je ne suis pas juste envers moi-même. Je lis, à corps perdus, pour ne pas penser, pour ne pas me ronger l'esprit de ces sensations, de ces questions qui se chassent, hagardes, avec l'impression de n'avoir qu'une très infime part de moi-même dans l'existence présente. Je suis en retrait. Je me borne à suivre le courant, avec certaines crises de sensibilités hystériques et lucides. Pour me convaincre sans doute que je suis encore capable de ressentir. L'on me demande même si je suis vivante. Sans doute devrais-je m'inquiéter des raisons ou des conclusions desquelles naquit cette question...

Je lis, je commente, je critique. Je deviens imperméable au texte, les mots perdent leur sens et tombent en amalgames maladroits ou fluides. Je ne vois plus que la connexion entre eux, parfois une vue d'ensemble... Jamais au-delà du canevas. Je me suis perdue quelque part en route, voilà trop longtemps que j'ai la sensation de piétiner, ce ne peut être une impression infondée.

Et tout avance laborieusement pour mieux tourner sur soi. Mes considérations, mes intérêts, mes habitudes, mes amours...? sont des toupies qui s'essouflent, sur le pavé aride d'un jardin qui dépérit. Besoin d'une nouvel horizon, besoin d'un nouveau regard, pour y croire à nouveau plutôt que d'être une spectatrice affable. Mais terne malgré tout.

18 avril 2008

Ma note mensuelle

J'ai du mal à écrire, à organiser mes idées ici. Paradoxalement, puisque cela résume la majeure partie de mon activité ces temps-ci: organiser, synthétiser, articuler, développer. On en viendrait presque à haïr les verbes, ces petits termes douceureux et interchangeables pour l'expression d'une pensée... Critique? Universitaire? Aseptisée?

Mais après bien des essais avortés, plats, et qui se sont par là-même perdus dans le changement irrévocable de la page (page virtuelle, mais tout aussi froissable que son honomyme de papier), je suis tombée sur un court documentaire qui me donne un point d'ancrage, de quoi réfléchir. De quoi écrire. Il s'agissait surtout, à travers nombre d'entretiens, du rapport entre l'écriture et les chevaux. Ainsi se succédaient différents auteurs et leurs points de vue sur l'expérience ou la métaphore équestre dans leur art.

Le mot juste, l'équilibre, les rythmes... Des choses que l'on retrouve dans le dressage. Une musique des mots sous la cadence des allures. L'impression d'être ailleurs, dans une autre époque, dans un autre monde, propre à l'élaboration du récit, lorsque l'on est à cheval.

Beaucoup cependant écrivent les chevaux par un biais excessivement autobiographique. Ou certains n'envisagent même pas l'écriture de cette autre passion en acte, de cette passion extérieure si différente de la pratique solitaire, souvent enfermée entre quatre murs, qui est celle de l'écrit.

Pourtant, qui n'a jamais connu l'insouciance de ces carnets au bord des rues, de ces feuilles volantes au cours violent de ces rus de mots qui vous saisissent là, à l'improviste, sans préambule, et qu'il vous faut noter en toute urgence, sur n'importe quoi, fut-ce votre paume?

Cette insouciance et cette frénésie, je les retrouve parfois à cheval... Mais ces moments-là, je ne songe jamais à les retranscrire. Pourtant, le besoin et le contact sont là. La réflexion aussi. L'introspection, qui vous pousse à vous demander là où vous avez fauté. Les écrire, ce serait les conserver. Mais toutes ces sensations, tous ces souvenirs, ces détails d'attitudes, de décor, ou de ressentis, n'ai-je pas la conviction que cela va demeurer en moi, que cela fait partie intégrante de moi....?

Pourtant, l'autre alternative est intéressante. Le pli nostalgique de pouvoir refeuilleter ces moments lorsque l'époque ou le compagnon auront disparus. Peut-être l'obstacle est-il celui d'une exclusivité intime et jalouse. Peut-être cela fait-il tellement partie de ma vie que je l'oublie, plus souvent qu'à mon tour. Emportée par d'autres tourbillons, et réaliser que cela me manque lorsque je retrouve cet univers. Me sentir perdue ou nerveuse, tout simplement parce que je n'ai pas eu l'occasion d'être seule, à cheval, quelques heures pour être simplement bien.

Qu'ai-je envie d'écrire finalement...? Il me semble que cette question mérite réflexion. Et que peut-être ma bête le mérite elle aussi.

3 mars 2008

Des envies

Cela fait plusieurs jours, que cela s'agite dans mes songes, galope dans mon sang, s'épanouit dans mes pensées.

J'ai envie de fiction. Mais rien n'apaise ma fringale: des voyages, des films, des jeux. Des endroits traversés et jamais atteints. Des "souvenirs de rien". Des promenades en instance. Même la lecture, si elle ne sait pas me happer, me laisse une impression d'incomplétude... Si j'étais autre, je me mettrai sans doute au théâtre, mais les rôles sont trop factices pour ceux qui se contentent de jouer sur des planches de bois. Si le bois n'est pas vivant, racine, sève, violence de l'humus, songe de l'écorce.

Le théâtre, quelle métaphore. Celui du monde social et de ses conventions. Celui de Molière et de ses superstitions vertes. La vie mise en abîme et le réel dupliqué jusqu'à ce qu'il s'étiole. L'artifice a toujours eu la beauté du questionnement profond.

Mais cela ne me rend pas moins affamée. Affamée de sons, de sens, de sensations. La seule voie qui s'offre à moi semble être celle de l'écriture. Et l'image s'anime et le verbe se fait chair. Je suis un être d'un instant, un ego de papier, un automate scintillant-sautillant dans l'ombre de la plume.

Profiter de l'ivresse de ce vertige aux milles possibles: je suis tout ce qui me traverserait l'esprit. Puis... Puis les angles s'affirment, le décor se plante, les protagonistes prennent place. Et revoici le théâtre sous la ronde folle des mots.

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17 février 2008

[...] "Cependant du haut de la montagne

[...] "Cependant du haut de la montagne arrive à mon balcon, à travers les nues transparentes du soir, un grand hurlement, composé d'une foule de cris discordants, que l'espace transforme en une lugubre harmonie, comme celle de la marée qui monte ou de la tempête qui s'éveille.

Quels sont les infortunés que le soir ne calme pas, et qui prennent, comme les hiboux, la venue de la nuit pour un signal de sabbat? Cette sinistre ululation nous arrive du noir hospice perché sur la montagne; et, le soir, en fumant et en contemplant le repos de l'immense vallée, hérissée de maisons dont chaque fenêtre dit:" C'est ici la paix maintenant; c'est ici la joie de la famille!" je puis, quand le vent souffle de là-haut, bercer ma pensée étonnée à cette imitation des harmonies de l'enfer." [...]

Même en leur coupant la tête, il reste des textes, et des auteurs, sur lesquels on ne pourrait cesser de fouiller, de creuser. Encore et toujours, suer sang et eau sur Baudelaire, pour le plaisir vain d'excaver, de découvrir des choses déjà redécouvertes.

9 février 2008

Des cahots.

J'ai délaissé beaucoup de choses. Outre la grippe qui me tombât dessus sans prévenir, une espèce de langueur sournoise m'a tenu à l'écart de ce qui comptait.

C'est un état étrange. Un état qui échappe aux mots, quand ces derniers ne s'envolent pas. Capricieuse écriture, comme l'on se laisse enfermer dans de nombreuses contingences, pour excuser le temps qui passe en vain. Quand je suis heureuse, je ne ressens pas tant le besoin d'écrire, sauf lorsque ma joie est trop vibrante, trop grande à porter. Quand le flot des activités me presse, j'oublie la plume. Quand je me sens vide et vaine, inerte, je reste muette devant la page.

Cela finit par faire de ces périodes d'écrits des instants rares, des joyaux égarés dans le tissu de l'existence.

Ces derniers jours, un fugace aperçu de printemps me permet de secouer ma léthargie hivernale. Je retrousse mes manches, je rassemble mes pensées et je me sens prête à affronter de nouveau le destin. Il était temps.

J'ai délaissé de nombreuses choses, sinon l'être qui compte. Une semaine douillette d'amour convalescent. C'est drôle de le décrire ainsi. Un moment hors du monde et qui fila vite, oui, selon l'habitude des amoureux à distance.

Et je reprends pied dans mon quotidien, à l'éclat clair et pur d'un matin déjà bien entamé. Tout d'abord, ma grande bringue de créature. Non, ce n'est pas mon compagnon que je distingue ici, malgré tout l'alléchant de la désignation. La lumière particulière qui me fait songer à l'automne réveille en moi des envies douloureuses de promenades forestières, le craquement du cuir, le souffle de l'animal après une montée intrépide, le bruit des sabots claquant parfois sur une pierre égarée.

Ensuite viennent les papiers. Feuilles volantes, classeur, cahier m'attendent, ma pensée "rationnelle" et moi. Pour l'instant la studieuse joue à l'écolière dissipée, jouant avec le papier, annotant ici et là, regardant par la fenêtre. Et toujours l'auteur attend d'être incarné.

De nombreuses heures de pose s'annoncent également. Curieusement, la contrainte de demeurer nue et immobile durant un certain temps ne fut pas si lourde. A la fois animée, en tant que modèle vivant, et inanimée, perchée sur mon piédestal. Je profite en "voyeuse" des conseils en matière de dessin, de peinture, de construction. Et je folâtre parmi les oeuvres dans divers stades d'achèvement, avec la curiosité innocente et humble de la presque-néophyte, de la communiante. C'est fascinant, tous ces points de vue, tant matériels que subjectifs. C'est moi et cela n'est pas, c'est plus. C'est quelque chose de celui qui peint.

J'ai évidemment ma part narcissique. Après tout, l'on pourrait penser que poser est une variante "esthétique" de l'exhibition. Que je deviens un objet, que je me désincarne. Je ne peux nier et un étrange équilibre en résulte. Mon corps statufié s'offre au regard, tandis que mon esprit divague, tantôt retiré en moi-même, tantôt attentif aux paroles et aux murmures des fusains qui m'entourent.

Et lorsque le cours s'achève, je ne me reconquiers pas seulement en retrouvant la maîtrise de mes gestes, mais en me penchant sur l'esquisse, de concert avec son auteur. Parfois nous échangeons nos sentiments, nos ressentis mutuels, évidemment différents. Parfois, c'est le silence, un silence que je respecte. Moi qui montre si difficilement mes textes, moins encore mes croquis, je me retrouve à la marge. A la fois inconnue et connue, sujet et objet, modèle qui jette un regard "de droit" sur une projection.

J'en garde quelques bribes de souvenirs, des choses qui m'émurent. Un modelage très sobre, allongé, la terre extrêment lissée donnant un mouvement à une pose qui n'en contenait pas. La représentation d'un buste musclé dans des tons ocres et terres. Un portrait de profil au lavis. Une série de poses dans un bleu énergique.

Toute appréhension a disparue, remplacée par le plaisir de me mêler aux mondes hétéroclites de l'artistique. Et comme nous sommes tous des amateurs, c'est toujours avec humanité que l'on me reçoit et que l'on me reconnait, aussi.

26 janvier 2008

Entre le trait et la plume- Les couleurs du désir

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« Les couleurs du désir »

L’efflorescence discrète d’une dentelle suggestive.

Le tendre renflement de la chair souligné de fines bordures élastiques.

La carnation veloutée dans le creux du dos.

Les anglaises indomptées, rappelant une gravure fantastique des nues orageuses.

L’arrondi innocent de l’épaule, annonçant la courbe plus sulfureuse de la fesse.

Et saisir enfin le désir capricieux. La matière s’anime, les couleurs s’avivent et le trait s’étire dans un dos cambré et une subtile inclinaison de la tête, laissant apparaître la douceur de la joue et le flamboiement des lèvres entrouvertes, tandis que se balancent encore doucement quelques boucles sombres dérangées par le mouvement.

La femme devenue dessin. Le dessin devenu femme.

26 janvier 2008

Entre le trait et la plume- L'amour aveugle

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« L’amour aveugle »

Un froissement de tissu, la caresse de ton odeur sur mon visage et les ténèbres éclosent.

Cette nuit, tu m’offres la cécité. L’univers sombre et charnel de ceux qui se fient à d’autres sens que celui de la vue, lorsque l’œil abdique, abandonnant son trône illusoire aux ivresses de l’amour. Certains disent que le regard est le miroir de l’âme… Pourtant, ce qui bat en mon sein ne me semble jamais plus brûlant que dans le noir.

Je suis aveugle. Aux aguets, en silence, je reste muette dans l’espoir frénétique d’entendre ton souffle, un écho lointain au mien qui s’accélère, qui éclate dans ma gorge et dans mon crâne, me laissant sur la langue un goût léger de fer, celui du cri retenu, de l’appel ou de l’extase.

C’est là mon seul regret, celui de ne pouvoir te goûter. Alors que je suis immobile, tu virevoltes autour de moi, m’effleurant parfois, ta présence comme une chaleur féline dans l’espace clos de la pièce. Je te devine, souriant peut-être, et ton regard, celui que tu me dérobes, ne quitte pas un instant mon corps nu et offert. S’attardant sur le lourd motif que dessinent mes cheveux, dansant sur la peau de mon dos. S’égarant sur la veine palpitante de mon cou. Dévorant les courbes libres de ma poitrine.

Je t’imagine debout devant moi, tandis que je suis à genoux, prenant plaisir à explorer ainsi chaque parcelle de mon être, et cela me trouble. Je ne peux le cacher. A tes yeux attentifs, mes souffles impatients me font perdre haleine. Je tremble et tu joues harmonieusement avec mes nerfs. Tout contre mon oreille, tes murmures rauques et torturants semblent guider mes frissons épris le long de ma peau, au fond de ma chair, jusqu’au creux du ventre, là où mon besoin de toi est le plus suppliant. 

Et je savoure tous les moments de ce jeu, affolant et fascinant, redécouvrant chaque sens pour mieux te les offrir, transcendés, éclipsés, en un don de Venus victorieuse… Suis-je alors toujours l’aveuglée ? 

Sous la nuit de ton bandeau, impatiemment lovée dans l’ombre de mon amour, j’attends, libre sous ton joug, sacrifiant avec joie mes yeux à la délivrance de tes caresses. 

26 janvier 2008

Entre le trait et la plume- L'amante vénitienne

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« L’amante vénitienne »

« La très chère était nue, et, connaissant mon cœur,

Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores… ».

Semblable aux subtils parfums, le souvenir des alexandrins de Baudelaire teintait l’air de langueurs voluptueuses. Le son doux des bijoux, chantant au gré de légers mouvements, en reprenait les échos, et l’éclat incertain le long des volutes du métal offrait à ces mots absents de plus précieuses arabesques.

De l’ombre à la pénombre, une silhouette se dessine autour du lourd pendentif. Deux seins s’érigent, pupilles sombres autour de la pierre ambrée, enserrée indistinctement par la chair, par le travail de l’orfèvre. Un souffle lent anime le collier, remontant lentement jusqu’à la gorge dans une tendre étreinte d’amoureux étrangleur. Alors la lumière comme par instinct, caresse l’arrondi de l’épaule, abandonnant par pudeur le cou à ses ombres entremêlées de bijoux, effleure ensuite le menton.

Le visage d’albâtre qu’elle révèle alors n’est plus destiné aux fleurs du mal. Et tes lèvres vides, ton sourire absent éteignent bientôt tout vestige de la belle mulâtresse. En vain il faudrait chercher les passions au fond de cet ovale de poupée, à la courbe des paupières fermées. L’émotion est ailleurs.

Ailleurs, dans l’incarnat animé du velours, dans le mutin ocre de ses parements, dans la finesse suave de ses entrelacs de broderies. Dans ton masque se lit l’art et l’amour de la courtisane vénitienne, de la femme séductrice si grave cependant dans l’offrande de son cœur.

Ailleurs, dans l’écheveau sauvage de la soie, étoffe indomptée à l’auburn sans prix, comme un appel au plaisir des sens, ta chevelure retombe triomphante, et la lumière, et mon regard, vaincus, s’égarent dans le désir impérieux qui s’en exhale.

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