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Escarbille
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9 février 2008

Des cahots.

J'ai délaissé beaucoup de choses. Outre la grippe qui me tombât dessus sans prévenir, une espèce de langueur sournoise m'a tenu à l'écart de ce qui comptait.

C'est un état étrange. Un état qui échappe aux mots, quand ces derniers ne s'envolent pas. Capricieuse écriture, comme l'on se laisse enfermer dans de nombreuses contingences, pour excuser le temps qui passe en vain. Quand je suis heureuse, je ne ressens pas tant le besoin d'écrire, sauf lorsque ma joie est trop vibrante, trop grande à porter. Quand le flot des activités me presse, j'oublie la plume. Quand je me sens vide et vaine, inerte, je reste muette devant la page.

Cela finit par faire de ces périodes d'écrits des instants rares, des joyaux égarés dans le tissu de l'existence.

Ces derniers jours, un fugace aperçu de printemps me permet de secouer ma léthargie hivernale. Je retrousse mes manches, je rassemble mes pensées et je me sens prête à affronter de nouveau le destin. Il était temps.

J'ai délaissé de nombreuses choses, sinon l'être qui compte. Une semaine douillette d'amour convalescent. C'est drôle de le décrire ainsi. Un moment hors du monde et qui fila vite, oui, selon l'habitude des amoureux à distance.

Et je reprends pied dans mon quotidien, à l'éclat clair et pur d'un matin déjà bien entamé. Tout d'abord, ma grande bringue de créature. Non, ce n'est pas mon compagnon que je distingue ici, malgré tout l'alléchant de la désignation. La lumière particulière qui me fait songer à l'automne réveille en moi des envies douloureuses de promenades forestières, le craquement du cuir, le souffle de l'animal après une montée intrépide, le bruit des sabots claquant parfois sur une pierre égarée.

Ensuite viennent les papiers. Feuilles volantes, classeur, cahier m'attendent, ma pensée "rationnelle" et moi. Pour l'instant la studieuse joue à l'écolière dissipée, jouant avec le papier, annotant ici et là, regardant par la fenêtre. Et toujours l'auteur attend d'être incarné.

De nombreuses heures de pose s'annoncent également. Curieusement, la contrainte de demeurer nue et immobile durant un certain temps ne fut pas si lourde. A la fois animée, en tant que modèle vivant, et inanimée, perchée sur mon piédestal. Je profite en "voyeuse" des conseils en matière de dessin, de peinture, de construction. Et je folâtre parmi les oeuvres dans divers stades d'achèvement, avec la curiosité innocente et humble de la presque-néophyte, de la communiante. C'est fascinant, tous ces points de vue, tant matériels que subjectifs. C'est moi et cela n'est pas, c'est plus. C'est quelque chose de celui qui peint.

J'ai évidemment ma part narcissique. Après tout, l'on pourrait penser que poser est une variante "esthétique" de l'exhibition. Que je deviens un objet, que je me désincarne. Je ne peux nier et un étrange équilibre en résulte. Mon corps statufié s'offre au regard, tandis que mon esprit divague, tantôt retiré en moi-même, tantôt attentif aux paroles et aux murmures des fusains qui m'entourent.

Et lorsque le cours s'achève, je ne me reconquiers pas seulement en retrouvant la maîtrise de mes gestes, mais en me penchant sur l'esquisse, de concert avec son auteur. Parfois nous échangeons nos sentiments, nos ressentis mutuels, évidemment différents. Parfois, c'est le silence, un silence que je respecte. Moi qui montre si difficilement mes textes, moins encore mes croquis, je me retrouve à la marge. A la fois inconnue et connue, sujet et objet, modèle qui jette un regard "de droit" sur une projection.

J'en garde quelques bribes de souvenirs, des choses qui m'émurent. Un modelage très sobre, allongé, la terre extrêment lissée donnant un mouvement à une pose qui n'en contenait pas. La représentation d'un buste musclé dans des tons ocres et terres. Un portrait de profil au lavis. Une série de poses dans un bleu énergique.

Toute appréhension a disparue, remplacée par le plaisir de me mêler aux mondes hétéroclites de l'artistique. Et comme nous sommes tous des amateurs, c'est toujours avec humanité que l'on me reçoit et que l'on me reconnait, aussi.

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